L'école est finie!

L'école est finie!
En 1992, à l’occasion du centenaire de l’école, la directrice de l’école de Bélus, aujourd’hui à la retraite, retraçait l’histoire de l’école publique du village depuis 1831… Elle nous a très aimablement livré le fruit de son travail, dont nous vous dévoilons une partie…
  • L’école de Bélus, un passé déjà ancien

C’est à peu de choses près à la salle de classe des gravures des vieux livres d'Histoire que doit ressembler l’école de Bélus en 1831 . Un local exigu, pas encore de tables, un début d’estrade pour le maître, un tableau noir et de nombreux enfants plus ou moins attentifs !

  • 1831 : 11 juillet, première trace, à travers une délibération du Conseil municipal de l’époque, de l’existence d’une école à Bélus, et déjà de son agrandissement.

« L’an mil huit cent trente et un le dix juillet…. M Sanguinet, maire, a dit :

1° que la grange donnant au … et contre la basse-cour du presbytère qui en dépend dont personne ne se sert est en partie détruite, que le meilleur parti… l’avantage de la Commune serait de la faire réparer et d’en faire une maison pour l’instituteur et alors la commune serait dispensée chaque année du…au logement de ce dernier.

2° que la salle d’Instruction, ou proprement dite école, est très petite, qu’elle ne peut contenir…. que vingt écoliers et que l’instituteur donne des leçons à cinquante ; il est donc très urgent pour l’intérêt des écoliers de la faire agrandir. »

L’année suivante, nouveau rappel dans une lettre de M Lespès à M le Maire de l’ »agrandissement de notre école ».

Mais où se trouvait cette école et depuis quand existait-elle ? Deux questions auxquelles je n’ai pas trouvé de réponses précises. À suivre...

Bélus ne semble donc pas avoir attendu, pour se doter d’une école, que soit promulguée la loi Guizot.

D’ailleurs, la phrase suivante, toujours extraite d’une délibération du Conseil municipal du 4 septembre 1833, laisse penser que la création de l’Ecole dans le village est déjà ancienne ; malgré quelques mots effacés, on en devine aisément la signification : « Nous, susdits membres, exposons que la Commune…. l’intention, comme l’a été jusqu’à présent, d’entretenir… primaire élémentaire qui y existe de temps immémoriaux… »

  • En 1833 toujours, la participation de la Commune de Bélus au salaire de son instituteur est de « deux  cents francs fixes » et celle des parents de 10F par an et par élève, « quatre francs pour lire et six francs pour écrire ».

 

  • Pour une nouvelle école

1837 : une délibération du Conseil traite de l’acquisition du terrain de Moncaup pour bâtir la maison d’Ecole et le logement de l’instituteur à l’emplacement du logement actuel.

De 1837 à 1839 le bâtiment d’école sera d’abord construit puis viendra le tour du logement de 1839 à 1842.

Dès 1845 une autre délibération fait état de « réparations à faire à la maison d’école. »

Depuis la loi Falloux, votée en 1850, le traitement fixe assuré par chaque commune à l’instituteur a été porté à 600F au moins par an. Cette nouvelle loi va créer de profonds soucis au maire de Bélus, M Bellegarde Jean et à ses conseillers.

Lisez plutôt :

« L’an mil huit cent cinquante-cinq et le six du mois de mai… M le Maire informe le Conseil municipal :

1° que, par une circulaire en date du 20 avril 1855, M le Préfet appelle l’attention du Conseil municipal sur le tarif de la rétribution scolaire afin de demander s’il y a lieu la modification du tarif.

2° que par suite du taux trop élevé de la rétribution scolaire, taux qui dépasse du double celui qui de tout temps avait été en usage avant la loi du 15 mars 1850, il n’y a plus qu’un très petit nombre de familles aisées qui puissent envoyer leurs enfants à l’école, tandis que les autres qui, bien qu’elles ne soient pas dans l’indigence, sont cependant forcées par leur peu de ressources, de priver leurs enfants mâles de toute instruction et d’envoyer leurs filles à l’école de filles de St Lon où le prix de la rétribution est à la portée des petites bourses ; qu’un tel état de choses où tous les intérêts sont blessés… »

Après avoir mûrement réfléchi sur un sujet d’une aussi grande importance, le Conseil propose de fixer ainsi qu’il suit le tarif de la rétribution scolaire :

« Première catégorie à 0F50 par mois

Deuxième catégorie à 0F75 par mois 

La rétribution scolaire, payée par les parents se trouve donc portée à 15F par élève et par mois ».

  • Vie scolaire

En 1834, sur 34 284 communes, 10 316 possèdent une maison d’école. Bélus en a une !

En 1840, sur 37 295 communes, 17426 communes ou réunions de communes sont propriétaires de leur maison d’école ; Bélus a fait bâtir la sienne mais plus de la moitié des communes n’en possèdent pas. Ceci est la preuve de l’attachement de la municipalité de l’époque à l’Ecole, symbole physique de l’accession du monde rural à l’instruction !

L’acquisition ou la construction d’une maison d’école a représenté pour les communes en général un gros effort d’investissement ; dans la majorité des cas, elles ont dû faire appel à leurs propres ressources.

L’administration doit se rendre compte du poids financier que représente l’appropriation d’une construction adaptée à l’enseignement primaire car une ordonnance d’application autorise les maires des communes qui ne possèdent pas de maisons d’école, à louer des locaux appropriés et à chercher, pendant la durée du bail (6 ans maximum) à acheter ou à construire une maison d’école définitive.

Et la vie scolaire à Bélus est entrée dans les mœurs ; quelques achats viennent en améliorer le cours.

Avril 1849 : acquisitions

« - une méthode de lecture, se montant à la somme de douze francs soixante-dix centimes…

- une méthode de lecture trois francs

- deux tableaux noirs en bois de pin, six francs

Le tout se montant à la somme de 21,70 francs »

Février 1854 :

« - le portrait de sa majesté…. avec son cadre, 3 F

- un Christ, 1,50 F

- une collection de modèles d’écriture, 3 F

- 25 godets en plomb… les tables pour servir d’encriers à …. 6,25 F »

1854 : Dix-sept ans après la construction, la maison d’école connaît de gros problèmes de toiture.

« Le maire donne connaissance à l’assemblée que la toiture de la maison d’école se trouve dans un très mauvais état à la suite de la mauvaise qualité de la tuile qui y a été employée lors de la construction (de cet édifice) et qui se trouve, en grande partie, hors service ,et laisse en beaucoup d’endroits pénétrer l’eau de pluie qui pourrit la charpente et les planchers ; que les tuyaux des deux cheminées se trouvent également…. dans un état complet de dégradation et exigent de promptes réparations. »

Mais ce problème-là, de nombreuses communes le connaissent. Les témoignages abondent sur les bâtiments scolaires à moitié en ruine, dans lesquels il pleut…

Nombreuses aussi les salles de classe qui servent également de logement à l’instituteur et sa famille…

D’autres problèmes liés au chauffage, aux manques d’aération et de lumière apparaissent. Généralement, pas de latrines, de cour ni de préau.

En 1866, « M le maire de Bélus expose au Conseil… ne possède aucun poêle et que, dans l’intérêt de la sau… et du progrès de la classe, il soit de la plus impérieuse nécessité… en ait le plus tôt possible afin que les enfants n’aient… souffrir cet hiver des rigueurs du froid, comme par le passé ».

Les améliorations sont lentes et l’on est encore loin de ce qui fait aujourd’hui l’indispensable d’une vie à l’école.

  • Une école de filles centenaire

Si entretenir une école de garçons est difficile, « procurer à une institutrice communale le logement et la salle d’école dont elle aurait besoin et lui assurer un traitement suffisant » est impossible au Conseil Municipal en septembre 1867, « vu la grande pénurie de la caisse municipale ».

« Attendu d’ailleurs que St Lon Les Mines possède une école gratuite dirigée par des sœurs, école que la plupart des filles de Bélus peuvent fréquenter et fréquentent du reste depuis longtemps, sans trop de fatigue à cause de la proximité des deux communes limitrophes », le Conseil « émet le vœu d’être dispensé d’entretenir une école de filles ».

Il faudra attendre neuf ans pour voir se concrétiser un début de scolarisation des filles, à Bélus. Que s’est-il passé entre-temps ? Les acteurs ne sont hélas plus là pour le dire !

En février 1876, « M le Maire expose au Conseil que l’école communale de garçons ayant été provisoirement transformée en école mixte et une maîtresse de travaux à l’aiguille ayant été affectée à cette école, il y a lieu de voter une certaine somme pour la rétribution de ce nouvel emploi ». Cent francs sont votés.

Mais, au cours de la même séance, « un membre expose au Conseil que de graves inconvénients, résultant de la transformation récente de l’école communale de garçons en école mixte, il est interdit de recevoir dans ce genre d’école des enfants âgés de plus de douze ans ». La mixité totale n’est pas prête d’être réalisée ! Il faudra donc trouver un local approprié pour les filles.

Ce local, une délibération de la même année le mentionne à travers « un bail passé avec M Belin et portant sur une maison située en face de l’église et de l’autre côté de la route pour le logement de l’institutrice et la tenue de la classe ».

Ce bail sera renouvelé deux fois : la première en 1882 pour une durée de 6 ans et la somme de 80 francs par an, l’autre en 1888. Mais dès 1883, M le Maire et les conseillers de l’époque se rendent à l’évidence ; « le local pris à bail à ferme pour l’école des filles ne répond nullement aux besoins de sa destination, attendu qu’il ne renferme aucune des conditions d’espace, de salubrité et de … antérieure qui lui sont nécessaires pour un établissement de ce genre. »

« Que dans la prévision d’une nouvelle construction, M le maire avait visité plusieurs emplacements, que le plus convenable lui semblait être celui de Miquéou, en raison de sa proximité du bourg et de sa bonne exposition. »

« Que le propriétaire de ce terrain consent à le céder aimablement à la commune. »

« Il propose, en conséquence, au Conseil municipal, d’en faire l’acquisition. »

M Belin entamera bien les démarches pour l’acquisition de la parcelle de terrain de Miquèou, mais celles-ci n’aboutiront pas. (doc1)

 

Un premier devis de construction d’un bâtiment scolaire complet sera réalisé par M Ricard, architecte à Dax, et amènera le projet à la somme de 14 000 F, en février 1884.

Pour alléger les dépenses de la commune, demande sera faite auprès de l’administration forestière de faire une coupe dans la forêt communale, dite Barthe du Cournet. Il s’agit de fournir ainsi les 33M³ de bois de charpente nécessaires à la construction du bâtiment. (doc2)

 

En 1886, une vente de piles de bois de chauffage provenant de la coupe accordée à la Commune sera organisée pour la construction de l’école des filles.

Mais en 1888, une lettre de l’Inspecteur des Forêts entraînera l’abandon définitif de ce premier projet car la coupe extraordinaire de bois n‘aura donné que 13m³ de bois ; il reste à fournir 20m³ de bois équarri. »

Le Conseil conclut à cette date que « la Commune n’est pas encore en mesure de faire construire la maison d’école. »

Pourtant, l’Administration en la personne du Sous-Préfet, pousse le Conseil  l’action. En 1887, déjà, M le Sous-Préfet avait invité le Conseil à délibérer sur la transformation des deux classes spéciales (classe des garçons, classe des filles) en classes mixtes et le Conseil n’avait pas donné suite à cette circulaire.

L’année suivante, le Sous-Préfet revient à la charge en n’approuvant le renouvellement du bail que pour un an « à cause des mauvaises conditions hygiéniques de ce local, du reste insuffisant. La Commune se trouve invitée, en conséquence à prendre les dispositions nécessaires pour faire cesser cet état de choses. »

Le Maire  invite alors le conseil à revenir sur la délibération de septembre 1888 et à transformer les deux écoles spéciales en une école mixte à deux classes. « Attendu que le logement actuel serait suffisant pour un couple, il n’y aurait dans ce cas qu’à construire une classe à côté de l’ancienne, au moyen d’un appendice du côté de l’ouest ou par le prolongement dans le jardin. »

Ceci semble la solution la plus économique mais elle va encore se heurter à la mentalité rétrograde des gens de l’époque. La mixité n’est pas encore de mise et les mentalités sont longues à évoluer.

En 1889, plans et devis sont prêts à être soumis au Conseil mais les élus ne se présentent pas ; après la troisième convocation, seuls cinq membres sur onze délibèrent ; devant ce peu d’enthousiasme, le Sous-Préfet autorise le Conseil à renoncer à la transformation des deux écoles spéciales en deux classes mixtes et à conserver une école de garçons et une école de filles, l’école des filles bâtie à la suite de l’école des garçons, avec ses annexes, cour, préau, privés… »

Elle occupera la presque totalité du jardin de l’instituteur et une nouvelle parcelle de trois ou quatre ares sera achetée à M Sanguinet, conseiller pour remplacer ce jardin. (docs 3,4 et 5)

 

Nouveau devis de l’école des filles : 8 500F. La Commune devra contracter un emprunt au crédit foncier, remboursable sur trente et un an à raison de 258F par an, malgré l’obtention d’une subvention de l’état de 5 355F. Les travaux débuteront bien en 1892 mais les moyens utilisés n’étant pas les mêmes que ceux d’aujourd’hui, tout ne sera terminé qu’en 1893 avec la reconstruction du mur de séparation des cours de récréation et le creusement du puits.

 

Sachez également qu’à cette époque, Bélus possédait une école privée dont les bâtiments servent actuellement de logements communaux à côté du fronton. Cette école ferma en 1980.

Ceci fera peut être l’objet d’une publication future…

 

Documentation

- Archives départementales des Landes

- L’école de nos grands-parents d’Orthez

- Notre école a 100 ans- St Lon les mines

- École et écoliers de 1815 à 1879 – TDC

- La vie quotidienne des Premiers instituteurs – 1833- 1882 de Fabienne Rebour-Scherrer

- Une vie d’encre et de craie – Gabrielle Thévenot

- Cahier de cours d’adultes de Dufau Emile