Les bornes géodésiques : témoignage d’un passé résistant dans notre village
Dans toutes ses missions il fit cependant preuve d’un sens de l’intérêt général tout à fait glorieux.
Né en 1906, il a traversé le 20ème siècle pour s’éteindre en 1994, après une carrière professionnelle riche. Polytechnicien il servira dans l’artillerie s’initiant à la géodésie. Il a en particulier réalisé les travaux topométriques nécessaires pour à la construction de la voie ferrée Dakar-Niger avant de rejoindre le Service Géographique de l’Armée à Paris (SGA qui deviendra en 1940 l’IGN Institut Géographique National) . Poursuivant son apprentissage des disciplines géodésiques, s’intéressant aux instruments et méthodes d’observation, il deviendra un conférencier instructeur reconnu.
En 1939 la guerre éclate interrompant ses travaux. Il occupera des fonctions d’officier géographe jusqu’en 1940, mais sera démobilisé. Il s’engage alors, comme agent du Bureau Central de Renseignement et d’Action de Londres et membre des réseaux des Forces Françaises Combattantes : « Tartane », qui se dédoublera en septembre 43 pour donner le « réseau Masséna » (dont il sera un membre très actif et le dernier chef)
Ce sont ses enfants qui consentirent en 1996 à lever le voile sur ses activités de l’ombre pour lesquelles, durant sa vie, sa discrétion fût totale.
C’est dans le cadre de cet engagement en qualité d’Agent P1 sous le pseudonyme de Gaubert avec le matricule RJ 1197, qu’il dirigera dès 1943 la brigade astronomique IGN, opérant dans le Sud Ouest et pour partie basée à Bélus.
On lui doit l’implantation des bornes géodésiques visibles dans notre bourg, à proximité de la mairie et de la salle Maurice Dufau. Et, c’est toute une courageuse opération de Résistance, qui va se mettre en place derrière les activités officielles de l’IGN, permettant d’héberger un nombre important de clandestins
En effet, le personnel recruté sur place comprend surtout de jeunes échappés du STO (Service du travail obligatoire) en transit vers le maquis ou l’Espagne. Plusieurs imprimeurs de l’IGN de Paris ou Rodez, eux aussi agents de la Résistance, produiront pour Gaubert des documents falsifiés permettant de fournir les faux papiers nécessaires et les « ausweise ».
Cette pratique sera suspectée et Georges Laclavère interrogé par la Gestapo de Mont de Marsan. Se recommandant de géodésiens bien connus des services allemands, Il convaincra la Gestapo de l’innocence des travaux de sa brigade IGN et sera relâché mais la vigilance des occupants est éveillée.
En 1943, le village de Bélus sera investi par un détachement allemand à la recherche de maquisards. Ils enfermeront dans la boulangerie, l’ensemble de la brigade IGN ainsi que des habitants, malencontreusement croisés sur la route.
Après vérification des identités et intervention de G Laclavère qui fera valoir son contrôle antérieur, tout le monde est relâché, mais cet épisode restera dans la mémoire des bélusiens.
Gaubert échappe de justesse à la milice française de Vichy, cette fois en Charente, ce qui l’obligera à se cacher à Paris d’où il intensifiera ses actions et missions de renseignements. Collectant des données transmises à Londres en vue du débarquement, il envoie des messages codés à l’aide de postes émetteurs souvent déplacés pour échapper à la radiogoniométrie allemande.
Les activités de Gaubert-Laclavère se poursuivent intensément jusqu’à sa remobilisation en 1944, dans un pays quasi totalement libéré. Le commandant Laclavère, rendant, cette fois au grand jour des services aux Forces Alliées. L’ensemble de ses actions lui vaudront après la Guerre, de nombreuses décorations françaises et étrangères.
A Bélus, Gaubert-Laclavère fréquente Lucien Durosoir. Autour de quoi échangeaient-ils dans la bibliothèque qui affiche au-dessus des vitraux, un « V » semblant purement décoratif, mais qui symbolise aux yeux du maitre de maison, « le V de la Victoire ».
Ce dernier traumatisé par la 1ère guerre mondiale s’est éloigné de la scène internationale, où il avait acquis une belle réputation de violoniste et compositeur. Dans notre village il coule un bonheur tranquille, soigne sa mère et fonde une famille. Equilibre bousculé par ce nouveau conflit, durant lequel il résiste à sa manière.
Lucien a rangé son violon, il refuse de jouer devant les ennemis, dont il partage pourtant la langue et la culture musicale, pour s’être produit maintes fois dans leur pays.
Par 2 fois les allemands transforment l’étage de la maison familiale en infirmerie, ce qui n’empêche pas le séjour clandestin de 2 enfants juifs, envoyés par le Secours national, jusqu’à ce que la bâtisse, soit à nouveau investie par les occupants.
Souvenir de ces années tourmentées, les bornes géodésiques visibles dans notre bourg restent des repères IGN…. Dans une époque où nous devons nous poser les mêmes questions d’ouverture à l’autre et d’accueil, ces deux exemples d’hommes engagés, puissent-ils également, nous servir de repères historiques et moraux.
Le 11 novembre prochain dans le Cadre des Moments Musicaux de Chalosse, on remontera plus encore dans le temps, avec un concert-lecture « Ceux de Verdun. La musique salvatrice » à 16h dans l’Eglise. Une après midi organisée par la famille Durosoir, qui aura du sens dans l’Histoire de notre village.
Bien entendu, je ne suis pas historienne et raconter une histoire c’est forcément, choisir un biais. Je remercie Georgie et Luc Durosoir de m’avoir accordé un entretien et fourni la biographie de G.Laclavère (rédigée par ses pairs ingénieurs au sein de l’IGN), qui servent de matière à ce texte.